Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/337

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que c’est la fortune qui a manqué à ma résolution, et non le courage à mon âme. Cependant je ne veux pas négliger ce moyen de m’entretenir avec vous, témoignage de ma douleur présente, preuve de mes injures passées, interprète de la pensée des absents : puisque la violence me bannit des lieux où je pourrais être utile à l’état ; absent, je le servirai toujours, et je n’oublierai pas que ma vie doit être consacrée tout entière à la république, et qu’elle ne doit finir qu’avec elle.

J’en atteste les dieux immortels, que j’implore peut-être en vain quand leurs oreilles paraissent fermées à nos prières ; j’en atteste la fortune du peuple romain, cette fortune irritée maintenant contre nous, mais qui nous fut jadis favorable, et qui, je l’espère, pourra l’être encore : quel est l’homme assez étranger aux sentiments de l’humanité, assez ennemi du nom romain, pour n’être pas frappé de nos malheurs, ou ne pas en gémir ? quel citoyen, s’il ne peut remédier aux désastres publics, ne chercherait pas dans la mort un refuge contre ses propres dangers ? En effet, pour remonter jusqu’à l’origine de nos maux, et arriver ensuite à nos calamités présentes, en comparant les premiers moments aux derniers(1), quel est le jour qui ne surpasse pas en atrocités le jour de la veille ? quelle est l’heure qui ne coûte pas plus de larmes au peuple romain que l’heure qui l’a précédée ? Antoine, plein d’ambition(2) (et que n’avait-il autant de sagesse ! ), quand une entreprise courageuse, mais peu utile à Rome, eut ôté à César la puissance et la vie ; Antoine aspirait, à une autorité trop absolue dans un état libre : il dissipait la fortune publique, épuisait le trésor, diminuait les revenus, prodiguait le droit de cité ; succédait au dictateur, sous prétexte d’obéir à ses mémoires ; impo-