Aller au contenu

Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui voulez-vous combattre ? Pourquoi reculez-vous devant nos ennemis ? pourquoi menacez-vous les citoyens ? Pourquoi vos légions, à moitié chemin, s’éloignent-elles du camp des rebelles pour se rapprocher de Rome ?

O insensé que j’étais ! ô Romains ! combien vous étiez trompés dans l’opinion de sagesse que vous aviez conçue de moi ! O vieillesse aveugle et malheureuse ! de quel opprobre me couvrent mon imprudence et ma crédulité ! C’est moi qui ai rendu les pères conscrits parricides ; c’est moi qui ai trompé la république ; c’est moi qui ai forcé le sénat à se plonger le poignard dans le sein, lorsque je vous appelai l’enfant chéri de Junon(5), le gage du bonheur pour les Romains. Mais vos destins annonçaient que, nouveau Paris, vous ravageriez Rome par la flamme, l’Italie par la guerre, que vous placeriez votre camp dans les temples des dieux immortels, et que dans votre camp vous assembleriez le sénat. Quelle révolution désastreuse ! quels changements soudains et funestes ! Pourra-t-on jamais, en écrivant ces jours de notre histoire, ne point donner l’air du mensonge à la vérité ? Quel esprit sera assez crédule pour ne pas regarder comme les prodiges de la fable ces faits qui se sont passés trop réellement sous nos yeux ?

En effet, que voyons-nous ? Antoine était déclaré ennemi public ; il tenait assiégé un consul désigné, le père de la patrie ; vous courez délivrer le consul, et abattre son ennemi ; l’ennemi est vaincu, le consul délivré. Mais bientôt vous rappelez auprès de vous cet ennemi vaincu ; vous le rappelez comme un cohéritier, pour partager avec lui la succession du peuple romain qui n’est plus ; et le consul désigné est de nouveau