Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/343

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réduit à se défendre, non dans une place forte, mais derrière des fleuves et des montagnes. Qui essaiera d’exposer de tels faits ? qui osera les croire ? Ah ! que cette première faute nous soit pardonnée ; réparons-la en avouant notre erreur. Oui, je dirai la vérité. Plût aux dieux, Antoine, que maître de la république, nous ne vous eussions point chassé pour recevoir ce nouveau tyran ! Ce n’est pas que l’esclavage soit jamais désirable ; mais la dignité du maître rend moins vile la condition de l’esclave, et de deux maux, c’est le plus grand qu’il faut éviter, et le moindre qu’il faut choisir. Antoine au moins demandait ce qu’il voulait enlever, et vous employez la force ouverte. Consul, il désirait une province ; vous, simple particulier, vous formez les mêmes vœux. Il établissait des tribunaux et portait des lois pour sauver des coupables ; vous, pour perdre des innocents. Il défendait du carnage et des flammes le Capitole assiégé par les esclaves ; vous, c’est par le fer et le feu que vous voulez tout détruire. Si celui-là régnait, qui donnait des provinces à Cassius, aux Brutus, aux conservateurs du nom romain, que, dirons-nous de celui qui nous arrache la vie ? si nous appelions tyran celui qui chassait de Rome un citoyen, comment appellerons-nous celui qui ne laisse pas même une retraite aux exilés ?

Si donc les restes de nos aïeux sont encore sensibles dans leurs tombeaux, si tout sentiment n’est pas détruit par cette flamme qui consume le corps sur le bûcher funèbre, lorsqu’ils demanderont quelle est la destinée du peuple romain, que leur répondra celui d’entre nous qui viendra de descendre dans cette demeure éternelle ? quelles nouvelles recevront de leurs descendants ces anciens héros, les deux Africains, les