Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/355

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tion, entre autres, ceux de Théophraste, de Xénocrate et de Crantor(1). Je les avais lus plusieurs fois par goût, comme des ouvrages véritablement remplis de préceptes salutaires, assaisonnés par les grâces de l’élocution ; mais je viens de les relire dernièrement par une sorte de nécessité. Je n’avais qu’une fille, que j’aimais uniquement parce qu’elle était un modèle de prudence et de vertu : la mort me l’a ravie, et cette perte m’a tellement frappé que, pour diminuer la rigueur de ce coup, j’ai été obligé de recourir aux livres de ceux dont j’avais déjà pressenti que la science et l’autorité pourraient m’être de quelque secours. Je me propose donc de recueillir ici ce que, soit pour la pensée, soit pour l’expression, j’ai trouvé dans ces livres de plus propre à soulager ma douleur, afin que du moins il ne soit pas dit que je me suis manqué à moi-même, dans le cas où il arriverait que je ne serais pas assez heureux pour subvenir à celle des autres ; ce que j’ai souvent tâché de faire ou par mes discours, ou par mes écrits, et ce qui m’a peut-être quelquefois réussi. Dans l’exécution de ce dessein, je montrerai plus de courage que n’en ont fait paraître ceux qui avant moi se sont chargés de ce soin. Libres de toutes les peines d’esprit, ce n’a pas été pour eux une grande affaire que d’entreprendre de consoler les autres ; ce sera tout autre chose pour moi qui, dans la détresse où je suis, me servant à moi-même de consolateur, aurai premièrement à vaincre ma propre douleur et à faire violence à la nature. Plût au ciel cependant qu’à ce prix je pusse apprendre à ceux qui souffrent comme moi, à supporter avec patience les adversités, avertis qu’ils doivent être par leur retour fréquent, qu’elles appartiennent à l’humanité, et qu’elles sont, pour ainsi