Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/359

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faiblesse, imbécillité ; il n’a de sentiment que celui de la douleur. À peine est-il sorti de l’enfance, qu’il est emporté par le feu d’un âge où l’on n’écoute ni raison ni prudence, où l’on n’a que de l’indifférence pour les choses utiles et louables, où l’on ne désire que les plaisirs, et souvent les plaisirs honteux : l’ignorance du vrai bien fait que la jeunesse ne les discerne pas, qu’elle est si hautaine avec ses égaux, si rétive envers ses supérieurs, et si insolente à l’égard des subalternes. De là, les démêlés, les querelles, les affronts, en un mot cette foule de regrets qui se répandent sur l’âge viril, quand on vient à penser que le malheur et l’infamie sont la suite du mépris que l’on a fait de l’utile et de l’honnête, que les chagrins, les maladies, le repentir, sont le fruit de l’ardeur que l’on a eue pour les choses les plus déshonorantes. Ajoutez les folles profusions, l’avenir mis en oubli, toutes les précautions contre la pauvreté négligées, le peu de soin que l’on a pris de sa femme, de ses enfants, de sa postérité, de sa famille. Appelez tout cela plutôt vice de l’âge que misère de la nature, vous ne changerez que le nom ; il ne sera pas moins constant que c’est là le tableau de l’homme. Et qu’on ne dise pas que ces écarts sont de quelques particuliers seulement, et qu’il n’y a de vraiment naturel que ce qui est commun à tous sans exception. Je demanderais, à mon tour, si l’on peut dire que la colère, la parole, la société, ne sont pas naturelles, parce qu’il y en a qui ne se fâchent point, qui ne parlent point, qui ne voient personne. Je soutiens donc que ce sont de vraies misères de notre nature, par la raison que, si elles ne se rencontrent pas toutes dans un seul, elles se retrouvent toutes dans tous ; savoir, quelqu’une dans plusieurs, et souvent plusieurs