Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/363

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patrie le salut et le repos : l’un et l’autre m’étaient assez chers pour les payer, s’il en eût été besoin, au prix de mon sang. Sans vouloir me louer, je me dois à moi-même ce témoignage, que les années pendant lesquelles je compte avoir vraiment vécu, ont été celles que j’ai employées à faire le bien de ma patrie, ou à lui donner quelque nouveau lustre ; et j’ajoute que s’il m’était possible de prolonger mes jours, aucun autre motif ne m’y engagerait que le désir de lui être utile : que cette seule pensée suffise à ma gloire. Que dirai-je à présent du dernier des âges, de la vieillesse, de ses infirmités ? Elles s’annoncent déjà toutes par un nom qui ne signifie que langueur et défaillance, et elles se montrent assez dans les vieilles gens ; car qu’est-ce autre chose qu’un vieillard tremblant, courbé, à tête chauve, imbécile d’esprit, débile de tous ses membres, que l’image d’un mort qui palpite encore, ou d’un vivant près de rendre le dernier soupir ? Que si quelques uns ont avancé que la prudence acquise par un long usage, et singulièrement propre à cet âge, dédommageait quiconque y était parvenu, il faut qu’en même temps ceux-là confessent que de la même source dérive un cruel sujet de douleur et de chagrin. En effet, quel est l’homme prudent et capable qui ne s’afflige pas de l’impuissance où le réduisent ses années d’exécuter les plans que son expérience lui suggère ? et, s’il aime sa patrie, se verra-t-il sans regret immobile, inactif, borné à de vains conseils ? Il sera même d’autant plus touché de ce regret, qu’il sera plus intimement persuadé que le succès des conseils les plus sages dépend de la meilleure exécution, et que si elle n’est confiée à d’honnêtes gens qui aiment leur patrie, ils deviennent inutiles.