Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/365

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Des âges je passe aux hommes, qu’on pourrait croire différemment affectés suivant les différences que la grandeur, la médiocrité et l’indigence nous font mettre entre eux ; et je dis qu’ils sont tous également misérables. Les rois eux-mêmes le sont, et, pour prouver leurs inquiétudes, leurs craintes, leurs dangers, je ne veux que l’exemple de Denys mettant Damoclès(3) à sa place avec une épée suspendue sur sa tête, pour qu’il jugeât du bonheur d’un roi. Les rois, en effet, ne sont jamais à l’abri ni des calamités de la guerre, ni de la désolation des campagnes, ni du massacre de leurs sujets, ni de la destruction de leurs villes. Alors, sans doute, le plus fort gagne quelque chose en gloire ou en puissance aux dépens du vaincu ; mais avant que d’arriver là, il a tant perdu et tant dépensé, que sa victoire lui coûte cher, et que le repos aurait mieux valu. Mais imaginez une défaite, ou quelque autre désastre, est-il un état plus malheureux ? vous voyez déjà la captivité, l’indigence, le mépris. Supposez même un roi à couvert des irruptions subites, éloigné de toute occasion de guerre, possédant son domaine en paix, et absolument hors d’insulte de la part de ses voisins : en est-il moins accessible aux misères humaines ? Non, il n’est pas de la nature de l’homme de demeurer en repos, et il se rendra bientôt malheureux lui-même. Il pensera, ou à augmenter ses revenus, ou à étendre ses frontières par la conquête de quelque place, ou à rechercher l’alliance et l’amitié d’autres puissances. Occupé de ces projets, il ne jouira pas de la tranquillité, et n’en laissera jouir personne. Je ne parle point de la cupidité, fléau qui ne manque guère à s’insinuer dans une âme paresseuse et oisive ; il suffit de dire qu’il s’attache surtout aux hommes élevés et puissants. Si nous voulons leur com-