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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/373

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vent donner au genre humain en présent ou en récompense : jugement, certes, bien digne de leur sagesse ; car la mort, en mettant fin aux misères passées des vivants, les préserve encore de celles qu’entraîne une plus longue vie : témoin d’excellents et de très braves citoyens qui ne les ont encourues que pour avoir poussé trop loin leur carrière. Si l’on dit qu’ils ne les avaient pas méritées, et que par conséquent ils n’ont pas été misérables, cette qualification ne convenant proprement qu’à ceux qui le sont par leur faute, c’est une autre question que nous pourrons examiner ailleurs ; mais il n’en est pas moins vrai que c’est le malheur qu’ils ont souffert, le malheur qui n’est pas seulement plein d’amertume lorsqu’il affecte le corps par le sentiment d’une douleur permanente, mais dont la seule pensée, toute passagère qu’elle est, attriste l’esprit.

On peut conclure de là que les Thraces n’avaient pas si grand tort de pleurer à la naissance de leurs enfants et de se réjouir à leur mort, comme ils faisaient au rapport d’Hérodote. Ils voyaient dans la mort la fin de nos misères et comme un port de repos, tandis que l’entrée de la vie ne leur paraissait conduire qu’aux chagrins et aux douleurs. Si c’est donc un malheur de naître et un bonheur de mourir, qui voudrait venir au monde pour en souffrir tous les maux ? qui n’aimerait mieux en sortir pour arriver au bonheur ? Et si nous pensons ainsi de nous-mêmes, pourquoi penserions-nous autrement de nos enfants et de nos proches ? nous voudrions-nous plus de bien qu’à ceux que nous aimons tant ? ou plutôt, n’avons-nous à souhaiter du bien que pour nous et du mal pour eux ? Non, certes. La mort est donc un