Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/377

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présents, si elle nous affranchit d’une multitude de maladies, d’infirmités et de peines, à quel propos la chargeons-nous de tant de reproches ? et pourquoi la considérons-nous comme la source de nos afflictions, lorsqu’elle pourrait l’être de notre consolation et de notre joie ? Mais peut-être sommes-nous inquiets de ce que nous devenons après le trépas. C’est sur quoi il est bon de faire quelques observations, afin d’enlever aux esprits faibles l’unique retranchement dont ils se couvrent pour nourrir leurs alarmes ; c’est ce dernier terrain que je ne pourrais leur abandonner sans m’exposer à voir anéantir une partie des obligations que nous avons à la mort, et que j’ai pris tant de peine à établir sur cette foule de raisons.

Quoique le soin de ce qui arrivera de nous après nous ne nous regarde pas, et qu’il appartienne aux dieux immortels, sur la bonté et la sagesse de qui nous pourrions et nous devrions même pieusement nous en reposer, puisque ce sont eux qui pourvoient à notre naissance, qui nous protègent pendant notre vie, qui nous nourrissent, qui nous défendent, qui nous soutiennent et qui n’ont aucun sujet de nous abandonner au moment de la mort ; cependant il ne sera pas inutile de porter un regard modeste sur ces secrets de l’avenir. Or, de deux choses l’une : ou la mort ne nous laisse aucun sentiment, ou par elle nous passons de ce lieu dans quelque autre. Si elle étouffe en nous tout sentiment, et si ce n’est qu’un de ces sommeils que nous goûtons quelquefois, et qui, n’étant point accompagnés de rêves, nous procurent le repos le plus délicieux, que ne gagnons-nous pas à mourir ? ou quel temps trouverions-nous qui fût préférable à ce temps