Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/385

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l’autre jusqu’à leur dernier moment. Si c’est de la mort des nôtres que nous sommes affligés, pensons qu’il fallait qu’ils en vinssent là tôt ou tard, que le temps de ce passage est incertain, qu’il n’est au pouvoir de personne de l’avancer ni de le reculer, qu’il dépend uniquement de la volonté des dieux ; que ceux que nous pleurons avaient vu avant nous la mort des leurs et l’avaient prise en patience, que par conséquent ils nous avaient instruits par leur exemple de ce qu’ils voulaient que nous fissions pour eux. Enfin persuadons-nous, et c’est tout ce que l’on peut dire de plus consolant et de plus fort, que ceux que nous regrettons (ne nous ont point été enlevés pour toujours, et qu’ils ne sont pas perdus pour nous, mais qu’ils ont été éloignés de notre vue et de notre commerce pour un temps marqué. Ainsi, quand nous serons pareillement arrivés au terme que la nature nous a prescrit, aussitôt nous rentrerons en société avec eux ; et cette société, cette fréquentation, ces habitudes auront pour nous les mêmes douceurs. Il y a des gens qui s’imaginent qu’on souffre beaucoup à ce dernier instant, et c’est peut-être là ce qui les rend si sensibles à la mort des leurs. Pour moi, après avoir fait voir l’insuffisance des autres raisons de s’affliger qui semblent plus graves, je ne tiens aucun compte de celle-là, convaincu que la retraite de l’âme se fait sans douleur ou avec très peu de douleur, et quelquefois sans aucun sentiment, si ce n’est celui d’une joie parfaite pour ceux qui pensent bien. Mais quelle que soit l’affection qu’on éprouve, il faut en retrancher la durée, qui n’est que d’un moment imperceptible. Que si dans l’état de maladie où nous supposerions de grandes douleurs, la mort arrivait plus lentement, il y aurait lieu d’espérer de la