Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/387

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bonté des dieux et de la nature, qu’alors ils soutiendraient et soulageraient un mourant qui ne désire que sa dissolution. Nous en voyons même très souvent des signes qui ne sont nullement équivoques : nous voyons des mourants qui, lorsqu’ils sont prêts à rendre le dernier souffle, se réveillent comme d’un assoupissement, nous regardent d’un œil satisfait et assuré, et semblent nous dire qu’ils partent très volontiers de cette vie.

Nous n’avons donc en cela non plus qu’en tout le reste aucun sujet de nous attrister ; mais quand notre douleur serait juste, il faudrait pour notre honneur travailler à la réprimer ou à la diminuer, attendu que même malgré nous le temps la dissipe et la fait évanouir ; non que le temps ait de lui-même cette vertu, mais parce qu’à la longue, et à force de réfléchir, nous comprenons enfin que la mort n’est point un mal : d’où il est juste de conclure qu’il faut la supporter patiemment et sans la craindre. Or, il est honteux à l’homme, et c’est folie à lui, qui est doué de tant de connaissances si variées, de ne pas tirer plutôt de son propre fonds un prompt remède à sa douleur, que d’en attendre un tardif du temps, qui en émousse à la fin le sentiment avec la pensée. Ces motifs de consolation me paraissent si raisonnables, que je compte qu’il n’y aura personne qui n’en soit touché, et qui même n’en soit ébranlé. En mon particulier ils m’ont été doutant plus nécessaires, qu’il eût été honteux pour moi de n’en pas user pour moi-même, après les avoir constamment employés au soulagement d’autrui, et de donner lieu à dire : Est-ce là ce Cicéron si vanté, sur qui semblaient se fixer les regards de, toute la Grèce ? Heureusement la philosophie m’a fourni des armes pour me défendre contre tout ce qui pouvait m’arriver