Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
DE LA VIEILLESSE.

trop grand parleur ou trop vain. En effet, comme dit Homère, de sa bouche sortaient des discours plus doux que le miel ; et, pour ce doux langage, il n’avait besoin d’aucune force de corps. Cependant le chef des Grecs ne forme pas le vœu d’avoir dix capitaines comme Ajax, mais d’en avoir dix comme Nestor[1] ; et ce vœu rempli, il ne doute point de la prochaine destruction de Troie. Mais pour revenir à moi-même, je suis dans ma quatre-vingt-quatrième année, et je voudrais bien pouvoir me glorifier de la même chose dont se vantait Cyrus ; mais du moins je puis dire que, sans avoir les mêmes forces que j’avais lorsque j’étais soldat, et ensuite questeur dans la guerre punique, ou consul en Espagne ; ou lorsque, quatre ans après, en qualité de tribun militaire, je combattis aux Thermopyles sous le consul M’. Acilius Glabrion, la vieillesse cependant ne m’a ni abattu ni épuisé. Le barreau ne regrette point mes forces, non plus que la tribune aux harangues, non plus que mes amis, mes clients, mes hôtes. Je n’ai jamais goûté ce proverbe si ancien et si vanté, qui avertit que, pour être long-temps vieux, il faut le devenir de bonne heure. Pour moi, j’aimerais mieux l’être moins long-temps, que de vieillir avant la vieillesse(14). Aussi personne n’a encore voulu me parler, que je n’aie pu le recevoir. Mais j’ai moins de force qu’aucun de vous. Rien de plus vrai ; mais vous, en avez-vous autant que le centurion T. Pontius ? et en valez-vous pour cela moins que lui ? Qu’un homme n’ait que des forces médiocres ; s’il en tire tout le parti possible, il n’aura certainement pas un grand désir d’en avoir davantage. On rapporte que Milon, aux jeux olympiques, parcourut le stade(15) portant un bœuf en vie sur ses épaules : eh

  1. Iliad., II, 370