Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/391

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douleur. S’il n’y a point d’homme capable de la louer autant qu’elle mérite de l’être, en récompense il s’en trouvera un très grand nombre qui se reconnaîtront redevables envers elle de leur tranquillité, de leur modération, de l’empire qu’ils ont sur leurs sens, de la force et du courage qu’ils opposent aux adversités. Moi-même, sans le secours de cette sage modératrice, je n’aurais été ni si patient dans mon exil, ni si retenu pendant le cours de mes prospérités ; et aujourd’hui, dans une conjoncture aussi affligeante, je ne me soutiendrais pas comme je fais. Pour vous, ma chère Tullia, s’il vous reste quelque sentiment dans la mort même, vous devez vous estimer heureuse d’avoir été affranchie en un seul moment de tant de misères dont la vie vous menaçait encore : vous voilà délivrée des calamités présentes, quitte de celles que vous préparait l’avenir, et arrivée au port dans un parfait repos. Je croirais volontiers que la mort n’a rien d’affligeant pour vous, quand vous songez et aux biens dont vous avez joui dans la vie, et aux chagrins dont la mort vous a préservée. Comment donc est-il possible que moi, qui ne doute point de votre bonheur, et qui en suis presque aussi certain que si je le voyais de mes yeux, je me fasse un supplice de votre mort ? pourquoi, au contraire, n’est-elle pas le sujet de ma joie et de mes félicitations ? Eh ! de quoi pouvez-vous désormais vous mettre en peine, si ce n’est peut-être de m’avoir laissé, sur le déclin de mon âge, au milieu d’une république remplie de troubles, à la merci de tous les hasards ? Mais cet état, tout triste qu’il est, la raison le rend supportable ; et vous devez moins vous occuper de la pensée des maux que j’ai à souffrir aujourd’hui, que de celle des biens qu’incessamment