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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/397

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grand gain que nous puissions faire ? J’approuve donc le poète comique :

L’homme que Dieu chérit, et qu’il veut secourir,
Jeune encor, lui devra le bonheur de mourir.

En effet, les dieux ne pouvant permettre que ceux qu’ils aiment soient malheureux, il est nécessaire qu’ils abrègent une vie remplie de tant de misères. Car, je vous prie, que pourrait-il arriver à l’homme d’assez agréable pour l’y retenir ? Sera-ce la satisfaction qu’il recueille de la profession de quelque art ou de quelque science ? Mais la science enfante la jalousie, de toutes les passions la plus importune ; que dis-je ? la science a ses peines particulières : la connaissance de certaines choses nous fait beaucoup moins de plaisir que l’ignorance profonde où nous demeurons d’une infinité d’autres, bien plus considérables, ne nous cause de dépit. Et puis, quelle satisfaction les arts mécaniques apportent-ils à ceux qui s’en occupent ? quelles fatigues et quels ennuis n’essuient-ils pas ? quel genre de perfidie, de haine et d’envie dont la pratique ne leur soit pas familière ? Qui d’entre eux sait se contenter de son état, et ne se montre pas envieux, ennemi ou détracteur de l’industrie ou de la fortune d’autrui ? Si quelqu’un préfère les emplois civils, et qu’il imagine plus d’avantage à se présenter au grand jour, que celui-là s’attende à beaucoup de tourments, qu’on croira bien payer de quelque vaine apparence de gloire : c’est là le prix qu’on adjuge à ceux qui ont bien servi la république, et la récompense la plus ordinaire de la perte des biens et du repos. Nous ne manquons pas d’exemples d’hommes qui ont passé leur vie dans cet exercice : voyons de quelle manière ils ont fini. Demandons-le à Mil-