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DE LA VIEILLESSE.

bien ! aimeriez-vous mieux avoir une telle force de corps, que la force de génie de Pythagore ? Enfin, les forces sont un bien dont il faut user tant qu’on l’a, et qu’on ne doit pas regretter quand on ne l’a plus, à moins qu’il ne faille regretter l’enfance dans l’adolescence, et celle-ci dans l’âge mûr. Le cours de notre vie est fixé, et la voie de la nature est une et simple. Chaque âge a son caractère particulier. C’est ainsi que la nature a donné la faiblesse à l’enfance, la fierté à la jeunesse, la gravité à l’âge viril, la caducité à la vieillesse : le fruit est mûr, il doit tomber. Je crois cependant, Scipion, que vous n’ignorez pas ce que fait Masinissa, l’hôte de votre maison, aujourd’hui qu’il est âgé de quatre-vingt-dix ans : quand il commence un voyage à pied, il le finit sans monter du tout à cheval, et lorsqu’il l’entreprend à cheval, il n’en descend plus ; ni la pluie ni le froid ne peuvent jamais lui faire couvrir la tête ; il a le corps sain, dispos, et il remplit fidèlement tous les devoirs et toutes les fonctions de la royauté. L’exercice et la tempérance peuvent donc conserver au vieillard quelque chose de son ancienne vigueur.

XI. La vieillesse n’a plus de forces ? eh bien ! on n’exige pas qu’elle en ait. Ainsi nos lois et nos usages dispensent notre âge des emplois où les forces sont nécessaires. Loin donc d’être tenus de faire ce que nous ne pourrions pas, nous ne le sommes pas même de faire tout ce que nous pourrions. Mais, dira-t-on, il y a des vieillards si infirmes, qu’ils sont incapables de remplir le moindre devoir, la moindre fonction de la vie. Eh ! certes, ce n’est point la faute de la vieillesse, mais l’effet ordinaire de la mauvaise santé. Quelles ne furent pas les infirmités du fils de Publ. l’Africain, qui vous adopta ? combien sa santé était faible, ou plutôt nulle !