Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/415

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dans une prison, et un autre qui, dominé par la douleur, n’est plus à lui-même ? Le premier est du moins libre d’esprit, s’il ne l’est pas de corps ; il espère que ce ne sera que pour un temps : au lieu que celui qui cède à la douleur a l’esprit encore plus malade que le corps ; il ne peut ni jouir de ses amis, ni servir la république, ni régir ses propres affaires, ni donner ses avis sur celles de l’état : c’est au point que, dans un repos qui lui est à charge, il n’est véritablement dans la puissance de personne, sans être cependant maître de lui ; et il faut, de toute nécessité, ou que, pressé comme il l’est par les maux qui l’environnent, il soit malheureux tant qu’ils dureront, ou, ce qui ne saurait arriver, qu’il cesse de l’être par leur fin. C’est tout un autre spectacle que de voir Xénophon, dans les fonctions du ministère sacré, se contenter d’ôter sa couronne à la nouvelle qu’il reçoit que son fils aîné vient de périr au combat de Mantinée, sans interrompre pour cela le sacrifice, et quand il apprend qu’il est mort en brave guerrier, la remettre sur sa tête, prenant les dieux à témoin que la perte de ce fils lui causait moins de peine que son courage ne lui donnait de satisfaction. Après un tel acte de fermeté, on peut bien être sûr que rien de ce qui aurait pu lui arriver à lui-même ne l’aurait ébranlé, et qu’un homme comme lui, assez constamment attaché au culte des dieux pour n’en être pas distrait à la nouvelle de la mort de son fils, aurait craint de résister à leur volonté en le pleurant. On peut bien se persuader encore qu’un père capable de préférer la vertu à la vie de son enfant, aurait affronté tous les périls, et souffert toutes les peines pour l’amour de cette vertu et pour le service de la patrie. Plus de tels hommes sont rares, plus ils sont précieux ; car rien n’est au