Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/417

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dessus des louanges que méritent le mépris des biens d’ici-bas et la constance dans les adversités, quand on a pour objet une gloire éternelle, ou le salut de ses concitoyens. Être incapable d’un tel courage, c’est avoir certainement de l’indifférence pour cette gloire, pour le bien de sa patrie et pour tout ce qui est vraiment louable, puisqu’un homme occupé de tant de soins ne peut conserver assez de force, ou pour penser à tout ce qu’exigent de lui les besoins de son pays, ou pour courir à la gloire par des actions d’éclat, ou pour entreprendre et soutenir quelque projet qui l’y conduise. Livré tout entier à ses intérêts ou à ses avantages particuliers, il laissera les soins publics en arrière ; jour et nuit il ne pensera qu’à lui, et il ne remplira le devoir ni du bon citoyen ni de l’honnête homme. En effet, il est d’un honnête homme de prendre autant de soin d’autrui que de soi-même ; d’un bon citoyen, de sacrifier tous ses intérêts à ceux de la patrie : rien ne doit nous en détourner, ni la douleur, ni aucune faiblesse de l’humanité. On lit dans l’histoire que Périclès(15) perdit en quatre jours deux fils d’un excellent naturel et de très grande espérance. On ne s’aperçut point du regret qu’il en eut, ni dans son extérieur, ni dans sa manière de vivre. Il continua de venir aux assemblées et de haranguer le peuple comme il avait toujours fait : la couronne qu’il avait coutume de porter, il la porta toujours ; on nous assure même qu’il aurait cru se déshonorer, s’il avait donné le moindre signe d’abattement dans un deuil qui n’était que pour sa famille, et où il n’est pardonnable qu’à des femmes de s’affliger. Quelle admiration et quels éloges ne doit-on pas à un si grand courage ! Ni la force de la nature, qui nous fait souvent trop aimer nos enfants, ne put l’ébranler ou l’incliner à