Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/423

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bien digne d’être gravée dans le souvenir de toutes les nations et de tous les siècles, et qui peut servir, non seulement à des particuliers faibles, pour s’exciter à la patience et pour réveiller leur courage, mais aux rois les plus puissants et à tous ceux qui sont en possession de l’autorité, pour les détourner de rien oser de contraire à l’humanité et au respect qu’ils lui doivent. Il y a tant d’atrocité dans ces forfaits, et ils impriment une telle horreur, que quand les autres hommes consentiraient à les souffrir et voudraient les cacher, le ciel et les astres en deviendraient, pour ainsi dire, les accusateurs. Les dieux ne punissent que tard ; mais ils ne permettent point que l’impie jouisse du fruit de son crime de manière à s’en applaudir. L’image qu’il s’en fait et les remords qui le poursuivent sont autant de furies intérieures qui lui déchirent l’âme. Nous avons tant d’aversion pour ces attentats sacrilèges, que, quand les tyrans qui les commettent viennent à les expier par les supplices les plus cruels, personne n’a pitié d’eux, personne n’est tenté de les plaindre. Il semble que cette espèce d’hommes, et cette espèce toute seule, ne soit pas faite pour exciter notre compassion. Que si, comme nous le disions il n’y a qu’un moment, la raison doit être employée à réprimer la douleur, l’habitude la fera totalement disparaître : c’est peu pour elle que d’assoupir les troubles de l’esprit, elle sait faire violence à la nature, la changer et la rendre toute différente. Avec son secours, on n’émousse pas seulement les pointes de la douleur, mais on peut repousser les foudres de la fortune et les mépriser. Convenons donc, après y avoir bien réfléchi, qu’aucun accident humain ne doit nous affliger : ni la mort dont nous avons prouvé le bienfait ; ni la pauvreté, qui très