Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/425

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souvent est un présent des dieux ; ni l’exil, puisque nous sommes citoyens du monde, dont tous les pays nous sont ouverts ; ni aucune des autres choses que l’opinion vulgaire met au nombre des plus grands maux. Parmi ces maux il n’y en a pas un seul dont, par l’effet de la bonté céleste, il ne résulte un bien encore plus grand et plus désirable. Les livres dès philosophes, et toutes les pages de leurs livres, sont remplis des preuves de cette vérité ; et, à l’égard des faits qui la confirment, il y en a tant qu’il n’est pas possible d’en demander davantage. Les choses étant ainsi, quels événements nous causeront de la douleur ou de la crainte ? Dion(19), qui s’était formé l’âme à l’école de Platon, apprenant que son fils s’était tué en tombant du haut d’une maison, ne s’arrêta pas à le pleurer ou à le plaindre ; il continua l’ouvrage qui l’occupait alors. Cette action d’un homme sage, d’un disciple de Platon, doit être regardée comme une règle de conduite par tous ceux qui veulent passer pour sages. Trahéaspas(20) montra encore plus de fermeté : il vit de ses yeux, sans paraître ému, son fils mourant et percé d’une flèche. Cambyse(21) échauffé par le vin et par la colère, avait fait attacher cet enfant pour lui servir de but ; dès le premier coup, il lui ouvrit la poitrine, et il cria à son père de regarder s’il avait atteint au cœur ; celui-ci ayant répondu qu’il l’avait percé : Eh bien ! dit Cambyse, ai-je la main sûre ? A cela le père, sans sourciller et du plus grand sang-froid, répliqua qu’il ne croyait pas qu’Apollon lui-même eût pu adresser plus juste. Qu’aurait pu faire ce père, si son fils était mort à la guerre en combattant pour sa patrie, lui qui ne le plaint pas en le voyant tuer sans sujet ? Quelle joie n’aurait-il pas montrée, si cette mort avait été