Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/427

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honorable, si son fils avait péri en combattant pour la patrie ? Je sais bien qu’il y a des hommes qui jugeront tout autrement de ce père infortuné, et qui, loin de l’admirer, le traiteront de dénaturé et de bourreau de ses propres entrailles ; mais soit, je ne condamne pas leur opinion, pourvu qu’ils m’accordent que c’est ici un des plus grands traits de fermeté et de constance qu’il soit possible de citer.

Si de pareils exemples doivent ranimer le courage des faibles, qui est-ce qui n’aurait pas honte de se laisser vaincre par la douleur, en apprenant que tant de personnes l’ont surmontée ? La crainte de me livrer à des détails inutiles, ou même fastidieux, me fait supprimer beaucoup de faits semblables. Si j’écrivais seulement pour les autres, et non en partie pour moi-même, je serais peut-être plus concis dans les raisonnements ; et, quant aux exemples, je n’en recueillerais pas un si grand nombre[1] ; mais il arrive, je ne sais comment, que je mets à profit les malheurs d’autrui pour me guérir de mes propres souffrances ; c’est du moins l’espoir dont je me flatte. Telle étant mon intention, ceux qui prendront la peine de lire cet ouvrage ne doivent pas trouver étrange si je suis un peu prolixe sur certains articles : mon premier objet est de me soulager, et le second de rendre le même office aux autres, en leur procurant les consolations les plus efficaces ; et, comme j’éprouve que mon chagrin diminue et s’allège par les détails dans lesquels j’entre, je souhaite qu’il en soit de même d’eux, et j’ose me le promettre. Comment, en effet, se pourrait-il que des lecteurs, qui se sentiront comme accablés d’une si grande multitude

  1. La phrase du texte est barbare ; je crois qu’il faut lire, « brèves in scribendo, in ex. a. rec. etiam breviores essemus. »