Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/429

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de raisons et d’exemples, voulussent encore résister à l’évidence, et se renfermer dans une douleur opiniâtre ?

Lacune.

Je ne dissimulerai pas qu’il est des événements qui jettent un tel désordre dans notre âme, que nous repoussons toutes les consolations, et que c’est lace que nous éprouvons surtout dans les moments où nous sommes pénétrés de la plus vive douleur : l’idée d’un ami, d’un père, d’une mère ou d’un fils que la mort nous a ravis, a pour nous tant de charmes, grâce à cette illusion qui les fait comme revivre à nos yeux, que, quoiqu’elle réveille sans cesse en nous le regret de les avoir perdus, et qu’elle nous tire des larmes, nous ne saurions consentir à nous en détacher, et que, quand on aurait à nous dire les choses les plus propres à calmer nos chagrins, nous fermerions l’oreille aux paroles des consolateurs. Sans doute ceux qui agissent ainsi se trompent grossièrement ; mais ils se plaisent dans leur erreur, et c’est pour cela qu’ils ne Veulent pas s’en défaire. Laissons à chacun la sienne, ainsi que son plaisir ; car je ne crains pas que les remèdes contre la douleur, pour n’être pas appliqués dans ses plus violents transports, soient moins actifs quand elle sera un peu ralentie, et que ceux qui les avaient d’abord rebutés les refusent encore pour en détruire les restes. Je suis même convaincu qu’il n’y a rien de plus utile que d’y revenir dans les temps de calme et de tranquillité, parce qu’alors on peut lire ces préceptes, les examiner, les déposer dans sa mémoire, afin de ne les plus perdre de vue et de les retrouver au besoin ; car, faute de les avoir goûtés et médités d’avance, il est