Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/439

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

près ne remarqua le moindre changement ni sur son, visage, ni dans sa contenance. Combien d’autres hommes, d’un caractère non moins ferme, pourrait-on compter parmi les Pisons, les Scévolas, les Brutus, les Marcellus, les Métellus, les Lépidus, les Aufidius ? combien d’entre eux, ayant perdu leurs enfants, leurs femmes, ou des parents qui leur étaient également chers, crurent non seulement qu’il était de leur devoir de ne point verser de larmes, mais que la résolution et la constance qu’ils montreraient aux funérailles, tourneraient à leur gloire et à celle du nom romain ?

J’ai honte de parler si longtemps du courage des hommes, comme si je voulais leur faire honneur d’une vertu qui leur est propre, et dont le défaut suffirait pour les avilir. Il est donc plus à propos de parler des femmes, afin que, s’il demeure constant qu’il y en a eu de très courageuses, les hommes rougissent d’être assez souvent inférieurs à elles dans une partie où ils devraient leur être fort supérieurs, et leur donner l’exemple qu’ils en reçoivent ; car s’il est vrai, comme le dit Théophraste en quelque endroit, et comme je l’ai répété d’après lui, que cet univers est comme un grand théâtre que la Divinité remplit, et qu’elle a décoré d’astres lumineux qui marquent sa sagesse ; que sur la surface de la terre, qui en est le centre, elle a placé des hommes destinés par elle à lutter contre la fortune, la douleur, les maladies, l’indigence, et les autres accidents de la vie ; qu’elle regarde d’en haut ces combats, et qu’elle juge si ces hommes font de la force qu’elle leur a donnée l’usage qu’ils doivent en faire ; si, dis-je, cela est vrai, l’on ne saurait révoquer en doute que, de même que dans les combats du cirque, le peuple romain méprise les gladiateurs trop empressés à demander