Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/441

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grâce de la vie, et qu’il favorise ceux qui paraissent la mépriser ; ainsi les dieux s’indignent en quelque sorte lorsqu’ils voient des hommes trop souvent soucieux de conserver la leur, et toujours reculant de crainte de la perdre ; tandis qu’ils en chérissent et récompensent d’autres qui sont toujours prêts à partir, et qui obéissent avec empressement et avec joie à la Divinité, soit qu’elle les appelle eux, ou les leurs, dans la conviction intime où ils sont que ce changement dans leur destinée n’est pas un malheur pour eux. Si des femmes ont été capables d’une pareille résolution, comment des hommes pourraient—ils consentir à passer pour plus faibles qu’elles. Or, nous savons qu’il y a eu, non pas une femme, mais toute une nation, qui ne s’est pas rendue plus célèbre par l’intrépidité de ses hommes que par la noblesse des sentiments de ses femmes : témoin ce qu’on nous a laissé par écrit des Lacédémoniennes, qui ne manquaient point, après les combats où avaient péri leurs enfants, de visiter leurs corps pour s’assurer de la place de leurs blessures, et qui, si elles trouvaient qu’ils les eussent reçues par devant, les conduisaient avec joie au tombeau, et les déposaient honorablement parmi les monuments de leurs ancêtres ; tandis que, rejetant ceux dont les blessures étaient par derrière, elles les faisaient inhumer secrètement et sans pompe funèbre : tant l’honneur et l’amour de la patrie avaient d’empire sur les âmes de ces femmes. C’est encore d’une de ces héroïnes que l’on rapporte qu’ayant vu son fils percé de six coups, loin de gémir et de retirer la couronne qu’elle avait sur la tête, elle s’était écriée : O qu’il est bien plus beau et plus désirable de mourir vainqueur dans une bataille, que de survivre à sa victoire dans les jeux olympiques ! Une autre, entendant dire que son fils