Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/457

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tout, je ne vois pas ce qui aurait pu empêcher des âmes aussi élevées de mépriser la vie, en comparaison d’une gloire éternelle qu’ils acquéraient au prix ou en échange d’une douleur si courte, ou même insensible. Arrêtons-nous à ce point, que je m’étais contenté plus haut d’indiquer en passant.

Le premier qui a soutenu que l’idée de l’état et de la condition des mourants et des morts se pouvait prendre de deux choses, savoir, ou du sommeil, ou du temps qui a précédé notre naissance, est, à mon avis, celui qui a le mieux rencontré. Et certes il me paraît que de toutes les opinions dont se berce le vulgaire au sujet de la mort, celle-là est la plus vraisemblable. En effet, la plupart vivent de manière qu’ils jouissent du présent sans se mettre en peine de ce qui peut arriver de bien ou de mal, à eux ou aux autres, à quelques années de là ; et c’est pourquoi ils sont si fort troublés aux moindres maladies, dérangements ou chagrins qui leur surviennent contre leur attente. Quant à la mort, dont la pensée devrait principalement les occuper, ils y font si peu d’attention, qu’il ne semble pas que ce soit leur affaire, ou qu’ils puissent y être intéressés. Semblables à des chevaux fougueux que Scipion l’Africain, au rapport de Panétius, disait ne pouvoir être trop tôt mis entre les mains de ceux qui les domptent, pour être dressés au manège et rendus plus traitables et plus souples, il faudrait de même les exercer au travail et à la patience, afin que la mort venant à les surprendre, ils n’en fussent ni épouvantés, ni abattus. Mais il arrive, je ne sais comment, que les hommes d’aujourd’hui, amollis par la volupté et par le luxe, ont pris un train de vie qui est fort éloigné du droit chemin que suivaient nos