Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/463

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par ce bienfait de la nature, aux orages de cette vie, n’entendent parler de rien plus volontiers que de la mort, et son approche a pour eux quelque chose de doux et de consolant. C’est surtout par rapport à eux que nous sommes forcés d’admirer la sage dispensation que les dieux font de toutes choses. Vous voyez ces honnêtes gens mourir la plupart sans beaucoup souffrir, comme c’est le vœu de tous les hommes, et quelques uns même sortir de la vie sans aucune douleur.

De ce nombre fut le consul Q. Fabius(36) : un jour, se trouvant dans le sénat, il saluait tous ceux qui en sortant passaient devant lui ; il ne se plaignait d’aucun mal, il ne se ressentait d’aucune incommodité, il paraissait même très gai : ce fut dans ce moment qu’il mourut. La même chose arriva à A. Pompéius(37) après qu’il eut sacrifié dans le Capitole, et au consul Thalna, comme il adressait une prière aux dieux immortels. Que peut-on penser qu’ils aient souffert à l’instant de leur mort, eux qui dans l’instant précédent paraissaient joyeux, et qui, dans ce point imperceptible où ils cessèrent de vivre, ne donnèrent aucun signe de douleur ou de plainte ? La mort, me dira-t-on, les a surpris. Mais elle les a surpris, bons, vertueux et sages ; et les dieux ont voulu leur accorder la mort, pour qu’ils y trouvassent le commencement d’une vie de félicité : ils savaient qu’elle leur serait d’autant plus agréable, qu’ils ne s’attendaient pas à tant de bien, et qu’ils ne pouvaient pas l’espérer ; car la mort dépend de la volonté divine, sans qu’il soit au pouvoir et à l’option de l’homme d’en régler l’heure et le genre ; et il est faux, malgré l’opinion de quelques philosophes, que Dieu ait marqué à tous les hommes le même terme de la vie, et que nous ne mourions plus tôt ou plus