Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tard les uns que les autres, qu’à proportion du plus ou du moins de sobriété ou de soins que nous apportons à nous conserver. En effet, autant il est sûr que Dieu a prescrit à la vie humaine des bornes que personne ne saurait outrepasser, autant il y aurait de témérité à assurer qu’elles sont les mêmes pour tous les hommes. Selon ce système, il ne serait question parmi eux ni de prudence, ni de tempérance, ni même de piété ; et ces vertus, désormais inutiles dans la société, n’offriraient plus que des noms vides de sens. Eh ! que gagnerait un homme à se montrer sage, tempérant, religieux, s’il était décidé qu’il ne vivrait ni plus ni moins que les autres ? Il serait, dira-t-on, prudent et sobre pour prolonger le cours de sa vie. Mais dès que le terme serait fatal à tous, il serait conséquemment immuable pour tous. Si, au contraire, il est indéterminé et dépendant de la volonté de l’homme, je ne vois pas sur quoi l’on pourrait assurer que la Divinité l’a rendu égal pour tous les mortels. Mais que chacun pense sur cela ce qu’il voudra, Dieu seul en connaît la vérité, personne que lui ne la sait avec certitude. Renfermons—nous seulement dans ce principe, que la mort par elle-même ne cause aucune douleur, et qu’elle est la source d’autant de biens qu’on en peut espérer, et de plus qu’on n’en saurait comprendre. Aussi est-ce comme par une inspiration de Dieu même que les hommes, toutes les fois qu’ils se trouvent en certaines conjonctures fâcheuses, souhaitent la mort, et la demandent même assez souvent par des prières formelles. La raison des vœux qu’ils font alors, c’est qu’ils sont obligés de reconnaître que la mort est bonne et utile, et que la nature leur crie que jamais ce bienfait que l’humanité lui doit ne peut être