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DE LA VIEILLESSE.

prérogative de notre âge, si en effet il nous affranchit de ce qu’il y a de plus vicieux dans la jeunesse ! Écoutez donc, ô bons jeunes gens ! un ancien discours d’Archytas de Tarente, un des premiers et des plus illustres personnages de son temps ; ce discours me fut rapporté dans ma jeunesse, lorsque j’étais à Tarente avec Q. Maximus. « Il n’y a pas dans la nature, disait-il, de poison plus funeste que la volupté ; c’est aux plaisirs des sens que l’homme se porte avec le plus d’impétuosité et de frénésie. De là les projets sacrilèges contre la patrie, le renversement des états, les intelligences clandestines avec les ennemis ; point de forfait, point de grand crime auquel ne pousse cette funeste passion. Ce n’est qu’à ses amorces qu’on doit les incestes, les adultères, et tous les désordres de ce genre ; et la raison, cette faculté divine, ce don par excellence que l’homme a reçu de la nature ou d’un Dieu, n’a pas d’ennemi plus dangereux que la volupté. Plus de modération, plus de frein, quand la passion domine ; et l’on peut même dire que dans l’empire de la volupté il n’y a de place pour aucune vertu. » Archytas voulait que, pour se rendre cette vérité plus sensible, on se représentât un homme dans l’accès du plaisir le plus vif que le corps puisse goûter ; il pensait qu’alors il ne serait douteux pour personne que, tant que cet homme serait dans une telle ivresse, l’action de sa pensée, de son esprit, de sa raison, ne fût totalement suspendue ; qu’ainsi rien n’était plus détestable, plus pernicieux que la volupté, qui, lorsqu’elle était excessive, et qu’elle avait quelque durée, ne pouvait manquer d’éteindre toute lumière de l’esprit. Voilà quel fut le discours d’Archytas, conversant avec le Samnite C. Pontius, père de celui qui triompha des consuls Sp. Postumius