Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/485

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ment, s’entretenait de l’immortalité et de la vie bienheureuse destinée aux âmes des gens de bien, et qu’il vida la coupe empoisonnée aussi gaîment que si elle eût dû lui ouvrir un passage, non à la mort, mais à un royaume ou à un empire. Nous voyons, au contraire, ceux dont l’esprit est attaché à la terre et dont les pensées ne s’élèvent pas plus haut, quitter cette vie à contre-cœur, malgré eux, et comme si la nature leur faisait violence. En voici la raison : c’est qu’alors, envisageant de près l’éternité de leurs âmes, ils sont tourmentés par la crainte qu’un châtiment de pareille durée ne soit le salaire de leur vie criminelle. Oh ! que l’on pourrait bien dire que l’homme est aveugle et dépourvu de connaissances sur sa propre nature ! Il ne faudrait que réfléchir sur les sacrifices et sur les cérémonies établies par nos anciens, pour en conclure que la vie de l’âme est éternelle ; car, s’ils n’avaient pas été pleinement convaincus que l’âme vit après sa séparation d’avec le corps, et que, bien que le corps demeure sans mouvement, l’âme ne cesse pas d’être, ils n’auraient pas rendu aux morts tant d’honneurs funèbres, ni transmis à la postérité tant de pratiques religieuses concernant les sépultures. Par là, ils ont, ce semble, décidé que la mort ne coupe point le fil de la vie, que l’anéantissement n’en est pas une suite, et que bien plutôt elle est ordinairement, pour ceux qui ont bien vécu en ce monde, un guide excellent qui les conduit à une vie incomparablement plus heureuse. Ils avaient sagement préjugé qu’il fallait que ceux qui avaient réglé la leur selon l’ordre de la nature, fussent honorés pendant leur vie et récompensés après, leur mort, pour ne s’être pas abandonnés à cette funeste corruption, qui, en étouffant jusqu’aux étincelles