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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/497

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voit son semblable dans l’oppression et dam la tristesse, quelque étranger qu’il lui soit, il partage intérieurement sa peine, et que, s’il est à portée de le secourir, il n’en manque pas l’occasion. En cela, il ne fait que ce qu’il voudrait qu’on lui fît à lui-même, s’il se trouvait dans la même situation ; c’est la nature qui l’y invite, c’est son instinct qu’il suit. Si donc ces événements qu’il prévoit, qu’il croit pouvoir lui arriver, viennent réellement fondre sur lui, pourquoi voudrait-il s’abandonner aux troubles et aux inquiétudes de l’âme ? n’aurait-il pas plus tôt fait de dire que tous ces revers sont les attributs de l’humanité, et que nous en courons tous les risques ? Il vaut bien mieux se reconnaître homme, et penser comme celui qui ne se croit étranger à rien de ce qui touche l’humanité. Quand nous aurons ainsi chassé de notre esprit le préjugé monstrueux et terrible qui nous fait croire que tous les maux ne sont pas des accidents nécessaires de la nature humaine, assurément nous vivrons moins misérables et moins inquiets : alors nous ne serons point troublés dans la pensée qu’il les faut souffrir avec courage, et qu’il ne peut y en avoir qui soient entièrement au-dessus de nos forces. Et nous ne pouvons manquer d’arriver à cette tranquillité d’esprit, si nous ne nous flattons point nous-mêmes, et que nous embrassions de tout notre cœur la vérité, la plus belle, la plus excellente et la plus féconde des vertus. C’est par elle que nous devenons meilleurs et plus disposés, tant à supporter les malheurs, qu’à exécuter de grandes entreprises, n’estimant rien de louable que ce qui est selon la droiture et l’équité, et ne désirant que les choses parfaites, d’où naît la véritable gloire. En cet endroit, il me semble que je me renferme dans des bornes trop