Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/499

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étroites ; car, quelle carrière plus ample pourrais-je souhaiter et dans laquelle je pusse entrer avec plus de confiance, en me donnant tout l’essor que comporte ce sujet ? Mais ce serait de ma part une vanité bien peu convenable de vouloir sacrifier la guérison des esprits, à laquelle je me suis engagé, et que je crois très avancée, au plaisir que j’aurais à répandre plus d’ornements dans ce discours.

Je dis donc qu’un chagrin trop cuisant et de trop longue durée doit être évité ; et la preuve en résulte de plusieurs inconvénients très grands, auxquels il peut donner lieu, et de ce qu’il n’en saurait rien arriver d’avantageux ; car le chagrin n’est pas de ces choses qui fournissent des raisons capables, par leur poids, de nous tenir en suspens entre l’approbation ou le blâme que nous devons y donner. S’il en était ainsi, je ne le proscrirais pas avec tant de hardiesse, et je ne me jetterais pas dans un défilé dont je ne verrais pas l’issue. Mais n’ayant rien avancé qui ne soit certain, je persiste à soutenir qu’il faut se vaincre soi-même et résister vivement au chagrin ; et il faut y résister, tant pour l’amour de nous que par égard à l’opinion du vulgaire. Quant aux morts, si nous voulons y bien penser, comment nous peut-il entrer dans l’esprit qu’ils nous, sachent gré de cet excès de douleur dans lequel nous plonge leur perte, tandis qu’il ne leur en revient aucune utilité, et que nous n’en avons que la honte et la peine ? Voulons-nous savoir ce qu’ils désirent et ce qu’ils attendent de nous ? Rien, si ce n’est que nous conservions d’eux un souvenir honorable.

Ennius ne veut pas qu’on pleure sa mémoire.