Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/505

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la rendre heureuse, et qui ont mérité en même temps d’être agréables aux dieux et utiles aux hommes, que nos ancêtres ont, avec raison, jugés dignes des honneurs divins ; et c’est d’eux que notre poète a célébré l’apothéose[1]. Non qu’il ait voulu dire que leurs corps aient été portés au ciel, la nature ne permettant pas que ce qui est sorti de la terre ait une autre demeure que la terre, et rien ne nous obligeant à croire le contraire, mais bien, que l’opinion la plus généralement reçue était que les âmes de ceux qui avaient si bien mérité des dieux et des hommes, avaient été enlevées jusque dans les cieux. C’est ce que la tradition nous apprend de Romulus, qui fut mis au rang des dieux en récompense du grand service qu’il avait rendu au monde, en fondant une aussi belle ville que la nôtre ; et on a perpétué ce souvenir dans un temps où les hommes, éclairés par les sciences et les lettres, savaient discerner la fiction d’avec la réalité, et la vérité d’avec le mensonge ; en sorte qu’on ne peut croire aujourd’hui qu’ils se soient laissé tromper par de vaines fictions. Et Romulus n’a pas été le seul qui soit parvenu, par ses vertus et par ses bienfaits, à faire juger de lui que, de mortel qu’il était, il était devenu immortel et dieu. Les anciennes annales font mention de plusieurs autres, qui ont fait juger d’eux qu’au sortir de cette vie ils avaient été admis dans la compagnie des dieux. Les Grecs ont été les premiers qui ont ouvert ce chemin à la vertu, et c’est probablement d’eux que nos pères l’ont appris. Hercule, Bacchus, les Tyndarides, et plusieurs femmes, qui tous occupent maintenant un rang distingué parmi les immortels, étaient nés hommes et l’avaient été ; mais comme ils s’étaient rendus illustres par leurs vertus et

  1. Ennius. Voy. les Tusculanes, I, l2.