Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/523

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sentir le ridicule et l’extravagance de leur croyance et de leur culte : mais que les Égyptiens, si vantés pour leur érudition et pour leur science, se soient laissé aller à une opinion si bizarre et si folle, c’est ce que je ne conçois pas. Quoi ! nous mettrons au nombre des dieux, des bœufs, des chiens, des loups, des chats, des poissons, des animaux que la nature a fait naître pour notre usage ou pour notre secours ? Quoi ! les plus sales, les plus hideuses, les plus dégoûtantes de ses productions, des crocodiles, des aspics, des serpents et toutes les autres espèces féroces et cruelles, qui semblent n’être au monde que pour nuire à la nôtre, deviendront, par notre ignorance, des objets de notre culte et de notre adoration ? N’est—ce pas intervertir l’ordre de l’univers, mêler tous les rangs, confondre tous les droits ? Nous trouvons que cette manière de penser est monstrueuse, et nous ne croirions pas qu’elle pût régner chez un peuple instruit et policé : oserons-nous donc la défendre ? Par une suite du même aveuglement, l’Égypte a fait des divinités de l’ognon, de l’ail, et des autres légumes qui naissent du sein de la terre. Mais pourquoi perdre le temps à réfuter un système dont l’absurdité se fait sentir aux plus ignorants et aux plus opiniâtres, auxquels il ne peut inspirer que du mépris ? Si l’on m’objecte que nos Romains ont consacré les pluies, les vents, les tempêtes, je répondrai qu’en cela ils n’ont fait que suivre d’anciens rites, d’anciennes cérémonies, qui de siècle en siècle sont devenues respectables et saintes. On ne saurait même rien retrancher ni rien changer sans crime à ces cérémonies religieuses, depuis qu’ayant une fois été établies sur des raisons plausibles, elles sont entrées dans le culte, et ont été confirmées par