Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/525

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un long usage. Quant à la Grèce, quelque éloge que j’en aie fait, je ne puis lui passer la hardiesse ou l’imprudence qu’elle a eue de consacrer des Amours et des Cupidons dans ses gymnases et dans ses autres édifices publics ; car, je vous prie, qu’ont de commun des lieux d’exercice avec les Cupidons et les Amours ? ou de quelle utilité cette consécration peut-elle être, soit pour la spéculation, soit pour la pratique de l’honnêteté et du bien moral ? En effet, s’il est un acte d’où la témérité et la folie doivent être bannies, c’est la consécration des dieux ; on n’y doit admettre rien qui puisse laisser après soi le moindre soupçon de turpitude, ou qui même ne soit pas d’accord avec les lois les plus sévères de la sagesse. Telle est, on peut du moins le penser, la consécration des génies dont il semble que la volonté et le pouvoir s’exercent principalement sur des choses que la pudeur et la probité condamnent.

Que l’on ne balance donc pas à croire que ceux qui se sont rendus secourables et utiles aux hommes, ou qui ont fait honneur à l’humanité par leurs vertus et par leurs grandes actions, ont été légitimement réputés dieux, et jugés dignes du culte qu’on rend aux dieux mêmes. Je ne me hasarderais pas à le dire, si j’étais le premier à l’avancer ; car, quelque envie que j’aie que le mérite soit récompensé, il s’en faut beaucoup que je le désire autant que je crains, en y contribuant, de m’exposer au reproche dans une consécration où l’on pourrait me taxer de la faute la plus légère. Mais puisqu’un très grand nombre d’hommes et de femmes ont été agrégés aux dieux, et qu’on les invoque dans les temples que le respect des peuples leur a dédiés dans les villes et dans les campagnes, je ne puis ne pas acquiescer à la sagesse de ceux aux lumières et à l’ex-