Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/531

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n’a pu me renverser malgré la violence et l’impétuosité de ses coups. Tous ceux qui connaissent notre histoire savent avec combien de résolution j’ai combattu mes ennemis, et quels ont été mon courage et ma vigueur à les repousser et à briser leurs efforts. Pour vous, ma chère Tullia, lorsque la fortune vous a enlevée à moi dans ces derniers temps, j’ai compris toute l’étendue du pouvoir qu’elle a sur les affaires humaines, et en particulier ce qu’elle déployait de forces contre moi. Aussi, confondu et terrassé par cette cruelle blessure, désespéré, perdu de douleur, je n’ai pu que lui crier merci et rendre les armes. Mais présentement que me voilà rassuré contre sa violence par les préceptes de la sagesse, que je vous ai consacré un temple, et que vous avez été accueillie dans le ciel, je tressaille du plaisir et de la joie que ces pensées consolantes viennent de rendre à mon âme, je cède à l’ivresse dont elle est remplie, et fier d’une si noble victoire, je triomphe de la fortune et de la douleur. Vous donc, ô Tullia ! puisque l’idée seule de vos vertus m’a été d’un aussi grand secours, tout élevée que vous êtes au-dessus de l’humanité, ne m’abandonnez pas, tournez vers moi vos regards, et conduisez-moi dans votre séjour céleste, afin que vous puissiez y répondre, selon vos vœux, à toute la tendresse d’un père, et que je sente moi-même la douceur d’une réunion qui aura bien plus de charmes pour moi, que ma séparation d’avec vous n’a eu de tristesse et d’amertume.