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DE LA VIEILLESSE.

qui en sont plus éloignés, en jouissent encore suffisamment. Eh ! de quel prix n’est-il pas, après avoir, pour ainsi dire, fait son temps au service de l’amour, de l’ambition, de l’intrigue, des rivalités, et enfin de toutes les passions, d’être à soi, et, comme on le dit, de vivre avec soi-même ? Si, de plus, on a quelque objet d’étude qui serve d’aliment à l’esprit, qu’y a-t-il de plus agréable que l’oisive vieillesse ? C. Gallus, l’ami de votre père, Scipion, ne l’avons-nous pas vu mourir en mesurant, en quelque sorte, le ciel et la terre ? Combien de fois le jour ne le surprit-il pas attaché sur l’ouvrage entrepris le soir, et la nuit sur des calculs commencés le matin ? Qu’il avait de plaisir à nous prédire long-temps d’avance les éclipses de soleil et de lune ! Que dirai-je des études moins profondes, mais qui demandent pourtant du génie ? combien Névius ne se complaisait-il pas dans sa Guerre Punique ! Plaute, dans son Truculentus et son Pseudolus ! J’ai vu Livius, qui, après avoir donné, déjà avancé en âge, une pièce de théâtre, sous le consulat de Centon et de Tuditanus, six ans avant ma naissance, vécut encore jusqu’au temps de ma jeunesse. Vous parlerai-je des études de P. Licinius Crassus, dans le droit civil et dans le droit pontifical ? ou bien de celles de P. Scipion, celui qui vient d’être fait grand-pontife ? Tous ces hommes, nous les avons vus, dans leur vieillesse, se livrer encore avec ardeur à leurs anciens travaux. M. Céthégus, qu’Ennius a si bien appelé l’âme de la Persuasion(23), ne le voyais-je pas, même sur ses vieux jours, s’exercer dans l’art de bien parler ? Les festins, les jeux et les courtisanes offrent-ils des plaisirs comparables à de tels plaisirs ? Voilà les jouissances de l’étude. Dans les bons esprits, ce goût croît avec les années. Aussi est-ce une belle