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DE LA VIEILLESSE.

parole de Solon, que celle que nous avons déjà citée : Qu’il vieillissait en apprenant toujours. Est-il quelque volupté qui égale ces plaisirs de l’esprit ?

XV. J’en viens maintenant aux plaisirs de l’agriculture, qui ont pour moi un charme incroyable. Ceux-là ne sont pas interdits à la vieillesse, et ils me paraissent les plus analogues aux mœurs du sage. Ils ont pour objet la terre, qui, toujours docile à la main qui la gouverne, ne rend jamais qu’avec usure ce qu’elle a reçu, mais quelquefois avec moins, souvent avec plus de profit. Cependant, ce ne sont pas seulement les fruits qui me charment, c’est aussi la nature et la vertu de la terre. Dès qu’elle a été bien cultivée, et qu’elle a reçu dans son sein entr’ouvert la semence dispersée par la main du laboureur, et recouverte par la herse[1], elle la ramollit bientôt par son contact et sa chaleur, la fait enfler et fendre : il sort alors une pointe verdoyante, qui grandit peu à peu en se fortifiant dans sa racine ; la plante s’élève ensuite en chalumeau noueux, reste quelque temps enveloppée comme pour achever mystérieusement sa formation ; et, s’échappant enfin de cette enveloppe, elle présente un épi de la structure la plus symétrique, muni d’un rempart de pointes piquantes contre les insultes des petits oiseaux. Que vous dirai-je de la plantation, de la naissance, de l’accroissement de la vigne ? Je ne puis me rassasier de ce spectacle, et je vous fais connaître ici les délassements, les délices de ma vieillesse. Je ne m’arrêterai pas à la force productive de la terre, qui, d’un aussi petit grain que celui de la figue ou du raisin, ou d’autres petites semences d’arbres et de racines, forme des troncs si

  1. On ne peut traduire ce prétendu rapport étymologique, occœcatum, ex quo occatio.