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DE LA VIEILLESSE.

moissons, les prairies, les vignobles et les arbres ne sont pas les seuls ornements de la campagne : il faut y joindre les jardins, les vergers, les bestiaux, les pâturages, les essaims d’abeilles, les différentes espèces de fleurs. Outre le plaisir des plantations, j’ai encore celui des greffes ; l’agriculture n’a rien trouvé de plus ingénieux.

XVI. Je pourrais m’étendre davantage sur les amusements de la campagne, mais je sens que je n’ai déjà été que trop long. Vous me le pardonnerez, je me suis laissé entraîner par mon goût naturel ; et puis la vieillesse est parleuse ; j’en conviens, pour ne pas avoir l’air de ne reconnaître en elle aucun défaut. C’est aux champs que M’. Curius passa ses derniers jours, après avoir triomphé des Samnites, des Sabins et de Pyrrhus. Lorsque je considère sa maison de campagne, qui n’est pas éloignée de la mienne, je ne puis assez admirer et son désintéressement et les mœurs de son siècle. C’est là qu’assis au coin de son feu, Curius rejeta l’offre d’une grosse somme d’or que lui avaient apportée les Samnites, en leur disant : « La gloire n’est pas d’avoir de l’or, mais de commander à ceux qui en ont. » Avec une âme si élevée, sa vieillesse pouvait-elle n’être pas heureuse ?

Mais je reviens aux agriculteurs, pour ne pas trop m’éloigner de moi-même. Alors les sénateurs, c’est-à-dire les vieillards, vivaient à la campagne. L. Quintius Cincinnatus fut trouvé la charrue à la main, quand on vint lui annoncer qu’il était nommé à la dictature ; et c’est par l’ordre de ce dictateur que C. Servilius Abala, général de la cavalerie, surprit et tua Sp. Mélius, qui aspirait à la royauté. C’est de la campagne qu’étaient mandés au sénat et Curius et les autres vieillards ; et