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DE LA VIEILLESSE.

de là vient le nom de voyageurs, qu’on donnait à ceux qui allaient les y chercher. Eh bien ! la vieillesse de ces hommes qui se plaisaient à cultiver les champs, vous paraît-elle misérable ? Pour moi, je doute qu’il puisse y avoir une vie plus heureuse, non seulement parce qu’on y remplit un devoir, en cultivant un art salutaire à tout le genre humain, mais parce qu’on y trouve ce charme dont j’ai parlé, et l’abondance de toutes les choses nécessaires au culte des dieux et à la nourriture des hommes : il n’en faudrait pas davantage, puisque cette opinion a des partisans, pour me faire rentrer en grâce avec la volupté. En effet, un bon habitant de la campagne a toujours sa maison approvisionnée des meilleurs vins, d’huile, même de gibier ; et tout abonde chez lui, le porc, le chevreau, l’agneau, les poules, le lait, le fromage, le miel. Le jardin est encore ce que l’agriculteur appelle un second saloir, et dans les moments perdus, la chasse vient ajouter à toutes ces jouissances. Que dirai-je de la verdure des prairies, des rangées d’arbres, de la beauté des vignes et des oliviers ? Je dirai tout en peu de mots. Rien de plus agréable et de plus utile qu’une campagne bien cultivée ; et loin que la vieillesse nous empêche d’en jouir, elle nous y appelle au contraire et nous y convie. Où donc les vieillards pourraient-ils trouver un feu plus vif, un soleil plus ardent pour se réchauffer, ou des ombrages et des eaux plus salubres pour se rafraîchir ? Que les jeunes gens gardent pour eux les armes, les chevaux, les javelots, la massue, la paume, la nage et les courses ; et qu’à nous, vieillards, ils laissent seulement, de tant de jeux, les dés et les osselets ; encore comme il leur plaira, car nous n’en avons pas besoin pour être heureux.