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DE LA VIEILLESSE.

pas échoué au dernier acte, comme font les acteurs novices.

Mais, dira-t-on, les vieillards sont moroses, inquiets, irascibles, difficiles ; enfin, pour ne rien oublier, ils sont avares. Ces défauts viennent des mœurs et non de la vieillesse ; et encore la morosité, comme ces autres défauts dont je parle, a-t-elle une espèce d’excuse qui n’est pas légitime à la vérité, mais qui semble plausible. Ils croient qu’on les méprise, qu’on les dédaigne, qu’on les tourne en ridicule(25) ; en outre, pour un corps débile, la moindre offense est douloureuse. Tout cela cependant s’adoucit par les bonnes mœurs et par la culture de l’esprit ; et la scène de la vie, comme celle du théâtre, nous présente souvent l’exemple des deux frères dans les Adelphes[1]. Quelle dureté dans l’un ! dans l’autre quelle douceur ! Ainsi va le monde. Il en est des hommes comme des différents vins, qui ne s’aigrissent pas tous en vieillissant. J’approuve la sévérité dans la vieillesse, pourvu qu’elle soit modérée, comme tout doit l’être ; mais l’âpreté est toujours condamnable. Quant à l’avarice du vieillard, je ne la comprends pas. Quelle folie d’augmenter ses provisions de voyage à mesure que le terme du voyage est plus prochain !

XIX. Reste maintenant la quatrième cause qui semble inquiéter et tourmenter notre âge, la proximité de la mort : et en effet, elle ne peut en être fort éloignée. Oh ! malheureux le vieillard qui, dans une longue vie, n’a pas appris à mépriser la mort ! Elle doit être toutefois, ou bien indifférente, si elle anéantit notre âme, ou bien désirable, si elle la fait passer dans un lieu où elle sera éternelle. Or, certainement on ne pourrait trouver une troisième supposition. Que craindrai-je

  1. Comédie de Térence