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DE LA VIEILLESSE.

précédents ; et quand ce moment arrive, la satiété de la vie amène la nécessité de la mort.

XXI. Je ne vois pas pourquoi j’hésiterais à vous dire ce que je pense de la mort : comme j’en suis plus près que vous, il me semble que je vois mieux quelle doit être sur ce point notre opinion. Je crois, P. Scipion, que votre père, et le vôtre, C. Lélius, ces hommes illustres, mes plus intimes amis, sont pleins de vie, et de cette vie qui seule en mérite le nom ; car tant que nous sommes retenus dans ces entraves du corps, nous ne faisons que remplir un devoir que la nécessité nous impose, une tâche dure et pénible. Notre âme, d’origine céleste, a été précipitée des hautes demeures, et comme plongée dans la fange de la terre, lieu d’exil pour une nature divine et éternelle. Mais je crois que les dieux immortels ont distribué les âmes dans les corps humains pour donner à la terre des protecteurs qui, contemplant l’ordre des choses célestes, fussent capables de les imiter par la constante régularité de leur vie. Cette croyance n’est pas seulement le fruit de ma raison et de mes méditations ; elle est fondée aussi sur la noble autorité des plus grands philosophes. J’apprends que Pythagore et ses disciples, qui étaient presque nos compatriotes, et qu’on appelait autrefois les philosophes italiques, n’ont jamais douté que notre âme ne fût une émanation de l’âme universelle, qui est Dieu. Je puis encore lire et admirer le discours que fit sur l’immortalité de l’âme, la veille de sa mort, ce Socrate que l’oracle d’Apollon déclara le plus sage des hommes. Que vous dirai-je de plus ? je suis persuadé, je sens qu’une âme aussi active, une mémoire aussi étonnante, cette prévoyance de l’avenir, tant d’arts et de sciences, tant d’inventions et de découvertes, ne peuvent appartenir à une âme qui