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DE LA VIEILLESSE.

rement ce que deviennent les parties matérielles ; car toutes choses retournent à leur source. L’âme seule, qu’elle soit unie au corps, ou qu’elle en soit séparée, reste toujours invisible. Rien certainement ne ressemble plus à la mort que le sommeil. Or, l’action des âmes pendant le sommeil nous révèle leur divinité. Plus libres alors et plus indépendantes, elles nous donnent des pressentiments de l’avenir ; d’où l’on peut concevoir ce qu’elles deviendront quand elles seront entièrement affranchies des liens du corps. Si telle est réellement notre destinée, mes enfants, honorez-moi comme un génie immortel(31) ; et si l’âme doit périr avec le corps, vous cependant, qui respectez les dieux, maîtres et conservateurs de toutes ces merveilles, vous garderez pieusement et inviolablement notre mémoire. » Ainsi parle Cyrus au lit de la mort. Voyons, à notre tour, si vous le voulez bien, ce que nous devons penser de nos concitoyens et de nous-mêmes.

XXIII. Jamais on ne me persuadera, Scipion, que Paul-Émile, votre père, vos deux aïeux Paul et l’Africain, le père de ce dernier, son oncle, et tant d’autres grands hommes dont il n’est pas nécessaire de rappeler ici les noms, aient fait tant d’efforts et de si grandes choses pour vivre dans l’avenir, sans avoir un pressentiment que cet avenir ne serait point pour eux une chimère. Et croyez-vous (pour me flatter un peu moi-même à la manière des vieillards), croyez-vous que je me fusse livré et le jour et la nuit à de si grands travaux militaires et civils, si ma gloire eût dû avoir les mêmes bornes que ma vie ? n’aurait-il pas mieux valu, loin du tumulte et des affaires, couler mes jours dans le repos et le loisir ? Mais mon âme, par je ne sais quel élan, se portait sans cesse vers la postérité, comme si elle n’eût vu dans la