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DE LA VIEILLESSE.

mort que le commencement de sa vie. S’il n’était pas vrai que les âmes fussent immortelles, verrait-on les hommes les plus vertueux aspirer sans relâche à une gloire immortelle ? Pourquoi la mort du sage est-elle si tranquille, et celle de l’insensé si agitée ? N’est-ce pas que le premier, dont le regard est plus pénétrant, voit au-delà de la mort une meilleure vie, et que le dernier, dont la vue est trouble, ne l’aperçoit pas ?

Pour moi, je suis en vérité transporté du désir de voir vos pères, avec qui j’ai vécu et que j’ai chéris. Et non seulement je désire d’aller joindre ceux que j’ai connus, mais ceux aussi dont j’ai ouï rapporter, ou lu, ou écrit les belles actions. Le jour de mon départ, il serait bien difficile de me retenir, et je ne me soumettrais pas volontiers au rajeunissement de Pélias. Si quelque dieu me donnait la faculté de repasser de cet âge à l’enfance, et de crier comme autrefois dans mon berceau, je le refuserais certainement, et je ne voudrais pas être rappelé de la borne au point du départ. En effet, quels sont les plaisirs de la vie ? ou plutôt quels n’en sont pas les maux ? Je veux encore qu’elle ait des plaisirs ; ils ont du moins leur dégoût et leur terme. Je n’aime pourtant pas à déprécier la vie, comme d’autres l’ont fait souvent, et même des gens éclairés. Je ne me repens point d’avoir vécu, parce que ma vie a été telle, que je ne crois pas être né en vain ; mais j’en sortirai comme d’une hôtellerie, et non comme de mon domicile. La nature ne nous a pas mis dans ce monde pour l’habiter toujours, mais pour y loger en passant. O le beau jour que celui où je partirai pour cette assemblée céleste, pour ce divin conseil des âmes, où je m’éloignerai de cette foule