Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/221

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figures dont nous parlerons plus tard : si elles sont employées avec discrétion, elles donnent, pour ainsi dire, de la couleur au style ; trop prodiguées, elles ne font que l’obscurcir. Il faut en outre varier les genres, faire succéder le tempéré au sublime, et le simple au tempéré ; et employer souvent cet artifice, afin que la variété ne laisse pas naître l’ennui.

XII. Nous avons parlé des différents genres de l’élocution ; voyons maintenant les qualités qu’elle doit réunir pour être convenable et parfaite. Celle qui sied particulièrement à l’orateur doit offrir trois caractères, la correction, l’élégance, la noblesse. La correction consiste à dire chaque chose d’une manière claire et pure. Elle comprend la latinité et la clarté du langage. La latinité maintient la pureté de la langue, et en écarte les défauts. Les défauts dans le latin peuvent être de deux espèces, le solécisme et le barbarisme. Il y a solécisme, lorsque les rapports qui doivent unir les mots entre eux sont mal observés. Il y a barbarisme, quand on se sert d’un mot vicieux. J’indiquerai clairement dans la grammaire les moyens d’éviter ces défauts. La seconde sorte de correction sert à rendre les idées d’une manière claire et distincte. Elle résulte de l’emploi des mots usités et des termes propres. Les mots usités sont ceux dont on se sert dans la conversation de chaque jour ; les termes propres sont ceux qui désignent la chose même dont on parle, ou qui peuvent y être appropriés.

L’élégance est une disposition des mots qui donne un même degré de perfection à toutes les parties de la phrase. Il faudra, pour l’assurer, éviter le concours trop fréquent des voyelles, qui allongent le discours et le remplissent d’interminables hiatus. Comme : Baccæ æneæ amoenissimæ impendebant. Ne pas trop répéter la même lettre, comme ce vers en fournit l’exemple (car, pour les défauts, rien n’empêche qu’on ne les emprunte aux autres) :

O Tite, lute, Tati, tibi tanta tyranne tulisti !

et cet autre du même poète.

Quidquam quisquam cuiquam, quod conveniat, neget.

Il ne faudra pas non plus se servir trop souvent du même mot, comme dans cette phrase : Nam cujus rationis ratio non exstet, ei rationi ratio non est fidem habere ; ni de mots à terminaison semblable comme dans :

Fientes, plorantes, lacrymantes, obtestantes.

On évitera les transpositions de mots, à moins qu’elles ne flattent l’oreille, comme nous le dirons plus tard. Lucilius tombe sans cesse dans ce défaut ; par exemple dans son premier livre :

Has res ad te scriptas, Luci, misimus, Aeli.

Enfin on doit s’interdire les périodes interminables, qui fatiguent et l’oreille de l’auditeur et la respiration de l’orateur. Tels sont les vices contraires à l’élégance : quand on les aura évités, il faudra donner ses soins à la noblesse du style.

XIII. La noblesse du style sert à l’ornement du discours, par la variété qui résulte des figures de mots et des figures de pensées. Les figures de mots consistent dans les modifications que l’on fait subir aux mots eux-mêmes pour leur donner