Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/262

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L’état de question une fois établi, il faut examiner si la cause est simple ou complexe. Quand elle est complexe, elle peut se composer de plusieurs questions, ou renfermer une comparaison. Elle est simple, quand elle ne contient qu’une seule question absolue ; par exemple : « Déclarerons-nous la guerre aux Corinthiens, ou non ? » Dans la cause complexe, composée de plusieurs questions, on a plusieurs points à examiner ; par exemple : « Faut-il détruire Carthage, la rendre aux Carthaginois, ou bien y envoyer une colonie ? » Dans la cause complexe par comparaison, on examine et l’on discute de deux partis lequel est le plus avantageux, lequel est préférable ; par exemple : « Doit-on envoyer une armée en Macédoine, contre Philippe, pour défendre nos alliés, ou la faire rester en Italie, afin d’avoir le plus de forces possible pour combattre Annibal ? »

XIII. Il faut ensuite examiner si la discussion porte sur le raisonnement ou sur le sens littéral, c’est-à-dire, sur ce qui est écrit. Ce dernier genre de cause se divise en cinq espèces, qu’il ne faut pas confondre avec les questions. Tantôt les expressions de l’auteur de l’écrit ne semblent pas d’accord avec son intention ; tantôt deux ou plusieurs lois sont en contradiction, ou bien le texte a deux ou plusieurs sens différents ; ou l’on peut déduire de ce texte ce qu’il n’exprime point ; ou enfin, comme dans la question de définition, on peut n’être point d’accord sur la valeur des termes. Ainsi la première espèce s’occupe du sens littéral et de l’intention de l’auteur de l’écrit ; la seconde, des lois contradictoires ; la troisième, des termes ambigus ; la quatrième, de l’analogie ; et la cinquième, de la définition. Dans les causes de raisonnement, la question ne porte pas sur le sens littéral, mais sur la manière d’argumenter.

Dès qu’on a examiné le genre de la cause, posé l’état de la question, distingué si elle est simple ou complexe, si elle porte sur le sens littéral ou sur un raisonnement, il faut trouver le point de discussion, le raisonnement, le point à juger, et la preuve confirmative. Tout cela doit naître de l’état de la question. Le point de discussion est le débat produit par le choc des causes : Vous n’aviez point le droit de le faire. - Je l’avais. Le choc des causes établit l’état de la question. C’est donc de l’état de la question que naissent ces débats que nous appelons points de discussion : « Avait-il droit de le faire ? » Le raisonnement est ce qui constitue la cause : ôtez-le, il n’y a plus de débat. Ainsi, pour nous en tenir à un exemple facile et connu : Oreste est accusé d’avoir tué sa mère. S’il ne répond point : « J’en avais le droit, parce qu’elle avait tué mon père, » il ne peut se défendre ; et sans défense, il n’y a point de débat. Le raisonnement sur lequel reposera sa cause sera donc celui-ci : « J’en avais le droit, parce qu’elle avait tué Agamemnon. » De l’attaque et de la défense naît le point à juger. Et pour continuer à nous servir de l’exemple d’Oreste, s’il donne pour raison : « Elle avait tué mon père. - Mais, réplique l’accusateur, était-ce à vous, à son fils, de lui donner la mort ? Fallait-il punir un crime par un crime ? »

XIV. Le développement des raisons produit