Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/271

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pour la morale, quelles sont ses liaisons, quelle est sa profession, son art, son commerce, comment il gère ses affaires, enfin quel il est dans son intérieur.

Dans la fortune, on cherche s’il est riche ou pauvre, libre ou esclave, homme privé ou puissant ; puissant, s’il doit son élévation à son mérite ou à l’intrigue ; s’il est environné de gloire, comblé des faveurs de la fortune, ou dans la honte et le malheur ; quels sont ses enfants ; enfin, s’il ne s’agit pas d’un homme vivant, on peut considérer quel a été son genre de mort.

On appelle manière d’être, quelque perfection physique ou morale, comme une vertu qui ne se dément point, une connaissance approfondie d’un art ou d’une science, ou quelque avantage corporel, que nous devons moins à la nature qu’à l’art et à l’étude.

Les affections sont les changements soudains qu’éprouvent l’âme et le corps, comme la joie, le désir, la crainte, le chagrin, la maladie, l’abattement, et tout ce qui dépend du même genre. Le goût est une volonté fortement prononcée, une application continuelle et soutenue, à la philosophie, par exemple, à la poésie, à la géométrie, aux lettres. Le dessein est un plan arrêté pour faire ou ne pas faire telle ou telle chose. Pour la conduite, les événements et le discours, ils peuvent être envisagés sous le triple apport du passé, du présent et de l’avenir. Voilà pour ce qui concerne les personnes.

XXVI. La substance même du fait, les accessoires, les circonstances et les conséquences, voilà ce qu’il faut considérer dans les choses. La substance du fait constitue le fait en lui-même ; elle en est inséparable. On caractérise d’abord le fait dans son ensemble, et l’on n’a besoin pour cela que de peu de mots qui exposent le fait même. Par exemple : il s’agit d’un parricide, d’un crime de haute trahison. On cherche ensuite la cause, les motifs et les moyens ; on reprend tout ce qui a précédé le fait jusqu’au moment de l’exécution ; on examine toutes les circonstances qui l’ont accompagné, et enfin tout ce qui l’a suivi.

Le lieu, le temps, l’occasion, la manière, les moyens ; voilà les accessoires : c’est le second des lieux attribués aux choses. Et d’abord, quant au lieu, théâtre de l’action, on examine quelle facilité il offrait pour l’exécution ; et, pour juger de cette facilité, on examine son étendue, sa distance, son éloignement, sa proximité, s’il est isolé ou fréquenté, sa nature même et tout le pays qui l’avoisine ; enfin, s’il est sacré ou profane, public ou privé ; s’il appartient ou s’il a appartenu ou non à l’accusé.

Le temps, comme nous l’envisageons ici (car il serait difficile d’en donner une définition générale), est une partie de l’éternité, désignée par les mots d’année, de mois, de jour et de nuit. Il embrasse le passé ; et dans le passé les événements qui, perdus dans la nuit des siècles, nous semblent incroyables, et sont mis au rang des fables, et les événements éloignés de notre siècle, mais qui, appuyés sur le témoignage irrécusable de l’histoire, méritent notre croyance, aussi bien que les événements récents dont chacun peut avoir