Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/277

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cette exception à la loi, le peuple thébain le souffrirait-il ? Non, sans doute. Eh quoi ! pensez-vous qu’il soit permis d’agir comme si la loi renfermait une exception que vous regarderiez comme un crime d’y ajouter ? Non, Thébains, je connais trop votre sagesse ; vous ne pouvez penser ainsi. Et si le peuple, si vous-mêmes ne pouvez changer l’expression de la volonté du législateur, ne seriez-vous pas mille fois plus coupables de changer, par le fait et par votre jugement, une loi dont vous ne pouvez pas même changer les termes ? » Mais c’est assez, je crois, parler de l’induction pour le moment ; examinons maintenant la force et la nature de l’épichérème.

XXXIV. L’Épichérème tire du fond même du sujet une proposition probable qui, une fois connue et développée, se soutient par sa propre force et sa propre raison. Les rhéteurs qui ont parlé avec le plus de soin de cet argument, d’accord sur son usage dans l’éloquence, ne le sont pas tout à fait sur les préceptes qu’ils donnent à ce sujet ; car les uns le divisent en cinq parties, les autres ne lui en donnent que trois. Il ne me semble pas inutile de faire connaître leur opinion et les raisons dont ils l’appuient. La digression sera courte. D’ailleurs, les uns et les autres ne manquent pas de motifs ; et c’est un point assez important dans l’art oratoire, pour mériter qu’on s’y arrête quelques instants.

Ceux qui lui donnent cinq parties veulent qu’on établisse d’abord la proposition, base de l’épichérème. Ainsi : « Les choses gouvernées avec prudence sont bien mieux conduites que celles où la prudence ne se trouve point. » C’est, suivant eux, la première partie. Elle doit être soutenue de différentes preuves, et amplifiée avec abondance et fécondité : « Une maison administrée avec sagesse est mieux montée, mieux approvisionnée qu’une maison en désordre et abandonnée au hasard. Une armée dirigée par un général plein de sagesse et d’expérience a un avantage immense sur une armée livrée à l’ignorance d’un chef présomptueux. Il en est de même pour un vaisseau : celui qui a le meilleur pilote fait la plus heureuse traversée. » La majeure ainsi prouvée, ce qui fait déjà deux parties du raisonnement, il faut tirer en troisième lieu, du sein même de la proposition, ce que vous voulez démontrer. Ainsi, pour suivre le même exemple : « Or rien n’est mieux conduit que l’univers. » C’est la troisième partie. La quatrième renferme les preuves de cette assomption : « Car le cours des astres est soumis à un ordre régulier ; leurs révolutions annuelles, asservies à une loi nécessaire et immuable, sont toujours dirigées vers le bien universel ; et la succession constante des jours et des nuits n’a jamais éprouvé le moindre désordre, ni exposé ainsi le monde à de funestes catastrophes. Preuves évidentes qu’une sagesse supérieure préside à la marche de l’univers. » La cinquième partie est la conclusion. Ou elle renferme simplement la conséquence des quatre autres parties qui ont précédé, ce qui peut se faire de cette manière : « Ainsi l’univers est gouverné avec sagesse ; ou elle résume en peu de mots la proposition et l’assomption, auxquelles elle ajoute la conséquence. » Voici quelle serait alors la conclusion du même exemple : « Que si les choses gouvernées avec prudence sont bien mieux conduites que celles où la prudence ne se trouve pas, et si rien n’est mieux conduit et gouverné que tout l’univers, il s’en-