XLII. La réfutation détruit, ou du moins affaiblit par des arguments les assertions de l’adversaire. Elle puise aux mêmes sources que la confirmation ; car les mêmes lieux qui servent à confirmer une chose peuvent servir aussi à l’infirmer. Il ne faut donc encore ici considérer que les choses et les personnes ; et l’on peut appliquer à cette partie de l’éloquence les préceptes que nous avons tracés sur la manière de trouver et d’établir des arguments. Néanmoins, pour donner une théorie sur ce sujet, nous développerons les différentes espèces de réfutations : suivez ces principes, et vous détruirez, ou vous affaiblirez du moins sans peine toutes les objections de vos adversaires.
On réfute un raisonnement en n’accordant pas une ou plusieurs des choses que renferment les prémisses ; ou, si l’on accorde les prémisses, en niant la conclusion qu’on en tire, ou en montrant que le genre même du raisonnement est vicieux ; ou en opposant à une raison solide une objection aussi forte, ou même plus solide encore. Voulez-vous ne pas accorder à votre adversaire ce qu’il avance d’abord, niez que ce qu’il établit comme probable ait la moindre vraisemblance ; niez que ses comparaisons offrent le moindre rapport avec le sujet ; donnez un autre sens aux jugements qu’il cite, ou condamnez-les absolument ; rejetez ce qu’il regarde comme des indices ; attaquez sa conséquence sous un ou plusieurs rapports ; démontrez que son énumération est fausse, ou, s’il emploie une simple conclusion, prouvez qu’elle manque de justesse ; car ce sont là, comme nous l’avons enseigné ci-dessus, les lieux où l’on puise tout ce qui peut rendre un fait probable ou nécessaire.
XLIII. On réfute une chose donnée pour probable, soit quand elle est d’une fausseté évidente, comme : « Il n’est personne qui ne préfère l’argent à la sagesse ; » soit quand le contraire est aussi probable : « Pour qui le devoir n’est-il pas plus sacré que l’intérêt ? » soit lorsqu’elle est tout à fait incroyable ; par exemple « Qu’un homme d’une avarice reconnue a, sans motifs importants, négligé un gain considérable ; » ou bien si l’on généralise ce qui n’est vrai que de certains individus ou de certaines choses ; comme : « Tous les pauvres préfèrent l’intérêt au devoir. — Ce lieu est désert ; c’est là qu’on a dû commettre le meurtre. — Comment un homme a-t-il pu être tué dans un lieu fréquenté ? ou si l’on regarde comme impossible ce qui n’arrive que rarement, comme Curion, dans son discours pour Fulvius : « La vue seule d’un objet, un coup d’œil, ne suffisent pas pour inspirer de l’amour. »
Pour les indices, les mêmes lieux qui servent à les établir, serviront à les attaquer. Il faut d’abord en démontrer la vérité ; puis, qu’ils sont propres à la chose dont il s’agit, comme, le sang est l’indice d’un meurtre ; ensuite prouver qu’oit a fait ce qu’on ne devait pas faire, ou qu’on n’a pas fait ce qu’on devait faire ; que l’accusé était sur ce point parfaitement instruit de la loi et de la coutume ; car tout cela appartient aux indices. Nous en parlerons avec plus d’étendue quand nous