Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/288

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cuse : « On vous reproche des brigues et des intrigues, et vous parlez de votre courage. » Ainsi, « Amphion, dans Euripide et dans Pacnvius, pour défendre la musique, vante la sagesse. »

Ou vous rejetez sur la chose les défauts de l’homme, comme « si l’on s’autorisait des défauts d’un savant pour accuser la science ; » ou, dans un éloge, vous parlez de la fortune et non des talents de votre héros ; ou, dans la comparaison de deux objets, vous ne croyez pas pouvoir louer l’un sans dénigrer l’autre, ou sans le passer sous silence ; ou vous quittez votre sujet pour vous jeter dans des lieux communs : « On délibère s’il faut ou non faire la guerre ; vous vous occupez de l’éloge de la paix, avant de montrer que la guerre est inutile ; » ou vous donnez des raisons fausses ; par exemple : « L’argent est un bien, parce qu’il nous rend heureux ; » ou des raisons faibles, comme Plaute, quand il dit :

C’est une chose odieuse de reprendre un ami d’une faute qu’il a commise ; mais c’est quelquefois une chose utile et profitable dans la vie ; car moi-même je châtierai aujourd’hui mon ami pour la faute qu’il a commise.

Ou des raisons qui n’ajoutent rien ; par exemple : « L’avarice cause de grands maux à l’homme ; car l’amour de l’argent le jette en de grands malheurs ; » ou peu convenables : « L’amitié est le plus grand des biens ; car elle offre une foule d’amusements. »

LI. Le quatrième mode de réfutation est d’opposer à un raisonnement solide un raisonnement aussi fort ou même plus solide encore. On l’emploie surtout dans le genre délibératif : nous accordons que l’avis contraire est juste ; mais nous prouvons que le nôtre est nécessaire : nous avouons que ce qu’on propose est utile ; mais nous démontrons que notre conseil est dicté par l’honneur. Voilà ce que nous avions à dire de la réfutation. Il nous reste à parler maintenant de la péroraison.

Avant la péroraison, Hermagoras place la digression ; et dans cette digression, étrangère au fond de la cause et à l’intérêt du jugement, il veut que l’orateur insère son éloge, blâme son adversaire, ou traite quelque sujet qui lui fournisse, plutôt par l’amplification que par le raisonnement, de nouvelles armes pour attaquer ou se défendre. Si l’on veut considérer la digression comme une partie du discours, on peut suivre le sentiment d’Hermagoras ; car nous avons donné ou nous donnerons à leur place des préceptes pour amplifier, louer ou blâmer. Quant à nous, nous ne jugeons point convenable de compter la digression au nombre des parties du discours, parce qu’il ne faut jamais s’éloigner de sa cause que dans les lieux communs dont nous aurons bientôt à parler. Nous ne croyons pas non plus que l’éloge et le blâme doivent se traiter à part ; et il nous semble plus convenable de les fondre dans les raisonnements. Passons donc à la péroraison.

LII. La péroraison complète et termine tout le discours. Elle a trois parties : l’énumération,