Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/294

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et moi, j’avais à ma disposition tous les écrivains qui, depuis l’origine de l’éloquence jusqu’à nos jours, ont donné des préceptes sur la rhétorique.

Aristote rassembla tous les anciens rhéteurs depuis Tisias, le premier inventeur de l’art, et recueillit avec le plus grand soin toutes leurs leçons. II les développe avec tant de détail et de netteté, l’élégance et la précision de son style lui donnent une telle supériorité sur les inventeurs eux-mêmes, que personne n’étudie plus les premiers rhéteurs dans leurs propres écrits,et que, pour connaître leurs préceptes, on s’adresse à ce philosophe, comme à un interprète plus clair et plus facile. Ce grand homme, en mettant sous nos yeux et son opinion et celle de ses prédécesseurs, nous apprend à les connaître en se faisant connaître lui-même ; et quoique les disciples sortis de son école aient, à l’exemple de leur maître, consacré presque tous leurs soins à l’étude des plus hautes questions de la philosophie, ils nous ont néanmoins laissé, comme lui, beau coup de préceptes sur l’éloquence. D’autres rhéteurs, sortis d’une autre école, ont aussi beaucoup contribué aux progrès de l’éloquence, si l’art y contribue en quelque chose ; car Isocrate, rhéteur habile et célèbre, était contemporain d’Aristote. Nous avons perdu ses leçons ; mais ses disciples et les imitateurs qui s’empressèrent de marcher sur leurs traces et sur celle de leur maître, nous ont transmis une foule de préceptes qui venaient de lui.

IlI. De ces deux écoles différentes, l’une, livrée à la philosophie, accordait aussi quelques moments à l’étude de l’art oratoire, et l’autre s’appliquait tout entière à la théorie et à la pratique de l’éloquence ; elles ont plus tard donné naissance à une troisième qui a emprunté des deux autres tous les secours qu’elles lui offraient. Pour moi, j’ai tâché de suivre en même temps, autant que je l’ai pu, et les plus anciens et ceux qui sont venus après eux, en mêlant quelquefois mes observations à celles de mes devanciers.

Si les préceptes que nous exposons dans cet ouvrage méritent tout le soin que nous avons apporté à les recueillir, nous ne saurions regretter un travail qui ne trouvera point d’improbateurs. Si pourtant nous avions dans notre empressement omis quelque chose, ou adopté quelque opinion peu fondée, il suffira de nous avertir de notre erreur pour que nous nous hâtions de la corriger ; car ce qui fait la honte, ce n’est pas l’erreur, mais la sotte opiniâtreté avec laquelle on s’y attache. L’une tient à la faiblesse humaine, l’autre est un vice particulier de caractère. Ainsi, sans rien affirmer, nous parlerons de chaque objet avec la circonspection du doute ; et si nous ne pouvons obtenir le petit avantage de passer pour avoir tracé nos préceptes avec assez de facilité et d’élégance, nous éviterons du moins l’écueil bien plus dangereux de donner à quoi que ce soit une approbation téméraire et arrogante. C’est un système que nous suivrons toujours, autant que possible, et aujourd’hui et dans tout le cours de notre vie. Maintenant, pour ne pas trop prolonger ces réflexions préliminaires, nous allons donner la suite des préceptes.

Avec la définition de la nature de l’éloquence,