ou malheureux ; si c’est un simple particulier, ou s’il est revêtu de quelque dignité. Enfin, on s’attache à tout ce que l’on comprend sous le mot de fortune. Quant à la manière d’être, qui consiste dans quelque disposition physique ou morale, qui ne se dément point, comme la science, la vertu, et même leurs contraires ; le fait lui-même, quand l’état de la question est posé, montre quels soupçons peut faire naître ce lieu commun. Mais il est surtout facile de former des conjectures sur les résultats que peuvent produire les affections de l’âme, comme l’amour, la colère, le chagrin. On ne saurait s’y tromper, puisqu’on en connaît parfaitement la nature et les effets. Le goût, qui n’est qu’une volonté fortement prononcée, une application continuelle et soutenue à quelque objet, fournit également, et avec non moins de facilité, des raisons favorables à la cause. Il en est de même du dessein : c’est un plan arrêté de faire ou de ne pas faire telle ou telle chose. Quant à la conduite, aux événements et aux discours, qui, comme nous l’avons dit en traitant de la confirmation, peuvent s’envisager sous trois points de vue, il est facile de trouver les conjectures qu’ils offrent pour confirmer les soupçons.
X. Voilà tout ce qui a rapport aux personnes. En réunissant tous ces lieux en un seul faisceau, l’accusateur doit jeter de la défaveur sur l’accusé ; car les causes du fait sont par elles-mêmes de peu d’importance, si l’on ne jette sur l’accusé des soupçons qui rendent une telle conduite vraisemblable de sa part. En effet, s’il est inutile de reprocher à un homme de mauvaises intentions, quand il n’a point eu occasion de se rendre coupable, l’accusation n’a guère plus de fondement, si l’occasion du crime s’est présentée à un homme dont la vertu ne s’est jamais démentie. Aussi l’accusateur doit-il s’attacher surtout à répandre de la défaveur sur la vie de celui qu’il accuse, en rappelant sa conduite passée, et à montrer qu’il a déjà été convaincu d’un semblable délit. Cela n’est-il pas possible, faites voir qu’ils été déjà exposé à de semblables soupçons, ou plutôt, si vous le pouvez, dites que des motifs à peu près semblables l’ont rendu coupable d’une faute de même espèce, égale, ou plus grave ou plus légère : par exemple, si en l’accusant d’avoir été entraîné par la soif de l’or, vous prouvez qu’il a montré, dans certaine occasion, de l’avidité. On peut, dans quelque cause que ce soit, fortifier le motif qui fait agir l’accusé, par des conjectures tirées de la nature, de la manière de vivre, des goûts, de la fortune, ou de quelqu’un des lieux qui appartiennent aux personnes ; ou bien, si vous ne trouvez point, dans sa conduite passée, des fautes semblables à celles dont vous l’accusez aujourd’hui, faites naître de délits d’un genre différent des préventions contre lui. L’accusez-vous d’avoir été entraîné par la soif de l’or ; « si vous ne pouvez montrer qu’il est avare, prouvez qu’il est sujet à d’autres vices, et qu’il « n’est point étonnant qu’un homme vil, emporté, avide, se soit rendu encore coupable